Sept recours - au moins - ont été déposés auprès du Conseil d’Etat contre la déclaration d’utilité publique (DUP) du Grand contournement ouest de Strasbourg (GCO). Cette autoroute de 24 kilomètres, destinée à désengorger la rocade de Strasbourg, devrait être mise en service en 2012. Mais elle fait l’objet de nombreuses contestations, notamment pour des raisons environnementales.
L’alternance politique à Strasbourg est un élément nouveau dans ce débat. Fabienne Keller (UMP), ancien maire, soutenait le GCO. Elle avait pour objectif d’en profiter pour ” requalifier “ et ” fluidifier “ l’A35, là où elle sert de rocade autour de Strasbourg. En revanche, le nouveau maire, Roland Ries (PS), n’a jamais caché ses sérieuses réserves sur le projet. Il s’agit d’” une mauvaise réponse à une bonne question “, a-t-il souligné lors de la campagne électorale, souhaitant que l’Etat ” réexamine le projet “.
Ses alliés Verts sont très clairement hostiles au GCO, qu’ils rebaptisent ” gabegie compulsive organisée “. Or le montage financier de l’opération envisage des ” subventions d’équilibre “ des collectivités locales alsaciennes, dont la communauté urbaine de Strasbourg.
Le GCO a échappé au gel des programmes autoroutiers souhaité par le Grenelle de l’environnement. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, avait d’ailleurs confirmé aux Dernières Nouvelles d’Alsace ” l’accélération “ du projet, en septembre 2007, avant le conseil des ministres décentralisé à Strasbourg.
C’est le 24 janvier qu’a été publié le décret signé par le premier ministre, François Fillon, déclarant d’utilité publique l’A355, nom officiel de ce contournement. L’enquête publique avait eu lieu en 2006. Les commissaires y avaient donné un avis favorable, malgré quelques réserves, levées depuis.
Ce tronçon d’autoroute décrirait un quart de cercle au nord-ouest de Strasbourg, à une quinzaine de kilomètres de l’agglomération. Il assurerait une continuité de l’axe nord-sud alsacien plus éloignée de l’agglomération. Par ailleurs, l’A355 devrait aussi faciliter les liaisons entre villes moyennes dans cette zone de plus en plus urbanisée.
Prévue à deux fois deux voies, avec quatre échangeurs, une tranchée couverte et un viaduc, cette autoroute sera concédée - donc construite et exploitée - à un concessionnaire privé. Celui-ci sera choisi par appel d’offres et se rétribuera par un péage. Le devis serait d’environ 355 millions d’euros.
UN CHÂTEAU À 400 MÈTRES
Ce projet, en débat depuis une vingtaine d’années, a été et demeure très contesté. Un collectif, ” GCO non merci ! “, s’est constitué pour fédérer les oppositions. Il déplore que ce tronçon autoroutier traverse de bonnes terres agricoles. Il craint qu’il ne menace la biodiversité - et notamment l’écosystème qui héberge le rare grand hamster d’Europe (Cricetus cricetus).
Surtout, les opposants craignent qu’un tel équipement n’encourage le transport routier (voitures et camions) et ses nuisances, alors que l’effort public devrait porter sur les transports en commun. La plupart des communes dont le ban est concerné se sont déclarées hostiles au projet, et douze d’entre elles se sont jointes à l’un des recours contre la DUP. Les opposants soulignent enfin que l’objectif affiché - désengorger l’A35 - ne sera pas atteint : les prévisions de trafic de la direction régionale de l’équipement pour 2020 ne prévoient que 4,6 % de report de trafic de l’A35 vers l’A355.
L’un des recours a été déposé par la famille Grunelius, propriétaire du château de Kolbsheim. L’A355 doit en effet passer à 400 mètres de cet édifice des XVIIIe et XIXe siècles, entouré de jardins à la française et à l’anglaise. La famille Grunelius avait notamment accueilli au château le philosophe Jacques Maritain (1882-1973) et sa femme Raïssa, dont un centre sur place conserve les archives. Le couple est d’ailleurs inhumé dans le cimetière de la commune.
Jacques Fortier
© Le Monde
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